Rassiya IV

j'ai laissé Kiji à regret.

 Traversée du lac blanc

 imprévisible, sujet aux tempêtes soudaines, de nombreux bateaux ont sombré

clocher d'un village inondé, à l'instar de sept cents autres, noyés dans le réservoir de Rybinsk quelques centaines de kms plus bas

et arrivée à Goritsy

charmant petit village

ses maisons colorées

sa maison de l'administration, clin d'oeil en passant aux très bons amateurs de cyrilique !

son école

ah non !  sans moi, j'ai rendu mon tablier

...

… Iaroslavl, automne 1568

Anna, milaïa moïa,

Nous accostons à Iaroslavl. Je suis exténué, le voyage s'est pourtant passé sans encombre.

J'ai reçu des nouvelles de mon frère Sergueï, enfin ! Je désespérais !

Il est arrivé en août à Kirillov, où il désire séjourner, et même, se retirer quelques temps - aussi longtemps que les moines voudront de moi - dit-il, afin de s'adonner à son art.

Ecrire des icônes, quelle merveille. Dieu lui a donné ce don.

J'ai toujours entendu sa fascination pour la Trinité et sa frustration de n'avoir jamais rencontré Roublev. Je me souviens de veillées entières à l'écouter parler de ses maîtres, discuter, enthousiaste, des différentes écoles d'iconographie, Novgorod, Pskov, et Moscou. Les pastels, bleu, jaune vert, rouge, brillaient dans ses yeux et nous étions heureux.

Mon Anouchka, toi qui séjournes à Goritsy, fais- toi accompagner jusqu'à Kirillov et tranmets-lui mon affection de frère jumeau.

Comment vas-tu ? Je sais que tu vas souvent au monastère, que Mère Eudoxie t'accueille à bras ouverts et que tu es en sécurité près d'elle. Puisse l'aide d'Ivan pour sa tante durer le plus longtemps possible. Une façon de se faire pardonner sa vie de soudard et de criminel et de prier Dieu qu'il lui donne une descendance ! Il se dit que les pensionnaires de Goritsy et de Kirillov ne sont pas toujours là de leur propre fait. Il se dit aussi qu' Eudoxie est une brodeuse de renom et qu'elle partage volontiers son savoir-faire avec une demoiselle Anoucka chère à mon coeur.

Le temps passe et je pense à toi chaque jour. L'automne rafraichit l'air venu du fleuve et le soir tombe plus vite, n'est-ce pas ? Ne prends pas froid. Fedor, le chat, ronronne-t-il toujours aussi fort ? A-t-il toujours ses grands airs de prince outragé qui me font tant rire ? Caresse-le pour moi.

Plus tard, je te raconterai l'histoire de Yaroslav le Sage, mais je dois rentrer, la nuit tombe.

Prends soin toi, ma belle, mon âme, je t'embrasse.

                                                                       Aliocha.

...

Fedor

le chat de Goritsy

a daigné tourner la tête, pour la photo.  Que regardes-tu, Fedor ? deux mille ans d'histoire.  Qu'entends-tu ?  les pleurs, les cris, les chants d'amour, les complaintes portés par le vent des steppes.

Toute la Russie dans tes yeux.

Nous avons longuement parlé Fedor et moi ... en silence.

Lorsque je suis partie, il m'a regardée,  je lui ai fait un clin d'oeil, il a souri, on s'est compris.

Da svidaniya, Fedor !

...

reproduction de la " Trinité " de Roublev

" Trinité "

caillou peint et poli

de Nastja Kosheleva

( même que je l'ai trouvé très beau et que je me le suis offert ! )

Lorsque je parle de Russie, je dis " Terre d'icônes "

j'ai toujours été fascinée par les icônes et je n'ai jamais su pourquoi.

Sans doute, au delà du sujet religieux, une admiration pour cet art complexe, abouti , merveilleux.

Délectation gourmande, école de Novgorod, les ocre, jaune, blanc, rouge, vert de Théophane le Grec, école de Moscou, pastels et couleurs chaudes de Roublev, sans oublier celle Pskov, poétique, simple et ses rouges et ses verts si profonds.

Je remonterais bien le Temps pour une petite leçon d'écriture, monsieur Roublev. Le calme, la beauté, les couleurs de votre " Trinité ", m'émeuvent et me troublent  profondément.

Et pourtant je n'aime pas le chiffre trois. Le monde est si souvent fait de trinités bancales.

Ce propos vous fait sourire, Monsieur Roublev, alors sourions, à la façon de vos Vierges si belles et si sereines ...

...

au fil de la Volga

nous approchons

de Iaroslavl

ville fondée par Iaroslav le Sage

La légende dit qu'il a tué l'ours valeureux qui défendait les habitants de la ville.

Ainsi, il a prouvé sa force et s'est empressé

de christianiser toute la région !

Alors sagesse ?  vaste question !

...

dernière escale avant Moscou

Ouglitch

et l'église Saint Dimitri sur le Sang Versé

construite sur le lieu de la mort ( mystérieuse ) de Dimitri, le fils D'Ivan le Terrible.

...

à suivre ...

Comments

[sable du temps]

Colo : reviens quand tu veux, la clé est ... sous le pot de fleurs !
je t'embrasse.

[colo]

Trop à admirer, trop beau tout ça....je reviendrai demain.
Bonne nuit madame Sable-chat.

[sable du temps]

et puis je suis nulle, je ne sais même pas dire "croquettes pour chat" en russe !

[sable du temps]

Alex C. : qui a dit que les poètes devaient mourir de faim ? on peut avoir deux mille ans d'histoire dans la tête et quand même avoir droit à son bol de soupe, ou de bortsch,( c'est pareil, mais en plus exotique !). Baudelaire ne crachait pas dedans( la soupe ) ?
très beau commentaire, merci.
Amitiés.

[Alex Cessif]

"Il cherche le silence et l’horreur des ténèbres
L’Érèbe l' eût pris pour son coursier funèbre,
S’il pouvait au servage incliner sa fierté."

ai-je pensé, mais il me ronronna à l'oreille:"à quelle heure est-ce on mange?"

"Il prend en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ;"
Pourtant il ne rêve que de croquettes
Sergueï.
avec l'involontaire
complicité de Baudelaire