Le retour de l'ermite

ou du bruit dans le Landernau aquacole  :

Tels,  “ maudite Mathilde  puisque te v’là ! “,   “ le fils prodigue et son veau gras “  ou  “ Mickaël  Alléluia “, l’ermite est de retour !

Alléluia ! pas pour tout le monde !

Revenir sur le plateau n’est pas un exercice facile lorsque l’on a plusieurs marées de retard, et que toute la pêche de la saison vous croit mort, votre pauvre carcasse dispersée dans l’océan, bouffée par les crabes.

 Il s’était retiré de la vie publique suite à des “ p’tits soucis “ du style de ceux que la vie vous claque à la figure, ou vous bottent les fesses, pour parler poliment  - tu parles poliment maintenant ? -  oui les enfants écoutent, et les histoires de crustacés, ils adorent   ! - .

Contraint et forcé, Il était donc devenu ermite !

Il se rappelait l’époque bénie des soirées légères avec les palourdes   - ... heu non rien ! -  des nuits d’ivresse près des bouchots.  Il croquait les fruits de l’océan du plaisir à pleines dents  - des dents un ermite ? - oui les dents de la mer ! - et avait jeté son dévolu, ou plutôt, ses petites pattes sur une superbe langoustine. - " Il en pince ! " - plaisantait le crabe, un brin facétieux.

De praires en bucardes, de sardines en morues, ses virées coquillages et crustacés sur la plage abandonnée, avaient fini un soir de grande pêche dans le creux d’une huître pas très fine  - elle était grosse ?  -  on dit plantureuse ! -  ni très claire d’ailleurs  – non, on ne dit pas glauque,  on ne dit rien ! - qui adorait se faire ouvrir au clair de lune.  A défaut de perle, il avait trouvé … la tornade en rentrant !

Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le bassin !

Sa copine, la petite crevette, verte de jalousie et rouge de colère, ne l’entendait pas de cette oreille   -  les crevettes, elles sont roses ! - mais un p’tit peu colère, elles virent au rouge ! :

- “ Le plateau de fruits de mer n’est pas un lupanar, dégage ! “-

Il avait dû, en catastrophe, prendre ses jambes et le reste à son cou   - des jambes et le reste un ermite ? -  Des jambes pas sûr, mais le reste, pourquoi en douter ! -  et se trouver une autre pierre pour l’héberger.

Depuis, il vivait en ascète - ou huit ! ( pas pu résister ! ) - sage comme une image.

Ermite, finalement  ce n’était pas trop fatigant. S’installait un train-train reposant, lénifiant  - chiant ! - .

“ Faut faire avec, mais, à vrai dire, avec ... pas grand-chose ! “ raillait-il plaisamment, et puis, tonnerre de Brest, la petite crevette faisait le gendarme  : donc, fallait donner l’apparence du “ bien sous tous rapports “   exercice  somme toute facile, il n'y avait pas plus de rapports que de beurre salé à la cantine, autant dire le vide, le néant !

Il s’autorisait tout de même quelques petites incartades, oh trois fois rien, une oeillade gentillette à la petite dame homard, une pensée coquine par-ci par-là pour la puce de mer, quelques S.O.S. façon bouteille à la mer, bof, sait-on jamais ! un regard de temps en temps vers les mouettes libres et rieuses, mais rien qui puisse inquiéter la gendarmette qui veillait, tel un phare dans la tempête.

Le temps passait et l’ermite rongeait son frein. Vivre une vie de merde moine, dans la coquille d’un autre, ça va cinq minutes, mais bon, on n’est pas des moules !  lui, il avait faim de fruits défendus, et soif de rivières interdites.

Bref, en un mot comme en cent, il s’emmerdait s'ennuyait comme une rascasse morte ! D’autant plus que les charmes de la belle langoustine se rappelaient à lui avec la régularité d'un métronome et ses formes aguichantes lui  manquaient furieusement. Chassez le naturel, disait le thon, en connaisseur, il revient au galop !

C’est ainsi qu’un beau jour  - ou peut-être une nuit ! -  n’en pouvant plus, il avait refait surface, discrètement,   - eh ben oui, la crevette guette ! -  très discrètement, à pas de loup  - ça fait des pas de loup un - on s’en fout ! - . Un mot, deux mots, coucou langoustine, coucou l’ermite, c’est moi, c’est toi, on s’écrit ….  mais chuuut, je signe anonyme !  - eh ben oui, toujours la crevette qui guette ! - 

Mais la langoustine, cette naïve  - c’est naïf une lang… -  la preuve ! -  avait vendu la mèche. Pas malin, ça ! la crevette va lui arracher la tête, alouette  - et le reste ?! -

Tout le plateau de fruits de mer était en complète effervescence. Sur le port, à la criée, la nouvelle s’était répandue plus vite qu'un raz de marée  : 

Bernard, l’ermite, est de retour !

Photo Google

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Comments

[Denise]

Bonsoir ma chère Sable, ton histoire et délicieuse et de plus m'a fait rire. Comme le dit Colo, que cela fait du bien de rire!

Vois-tu Sable, si je me trouve devant un plat de crustacés, je fais un malheur :-) huîtres, moules, crevettes, langoustines etc... mais je n'ai jamais vu l'ermite, il faut dire qu'il se cache bien!

Je te souhaite un très bon dimanche et pas d'indigestion de crustacés... :-)

Gros bisous!

[colo]

Un ermite, joyeux drille, un peu lubrique? On aimerait le voir comme ça, en faire "un proche", qu'il nous raconte...mais si on tombe sur un pauvre SDF, larmoyant?



Tu me fais bien rire Sable, muchos besos

[joye]

Excellent !



Mais quid de Thierry ? Il arrête son cinéma ?



;-)

[G.Policand]

croustillant!

[gérard]

Sacré Bernard qui avait des oursins dans les poches, trop radin pour se payer une niche . Alors à la première coquille qu'il rencontrait il demandait "are you big or no" . Et si c'était "yes" alors il la squattait illico.

Car on oublie de dire que "nanard" était anglais venu tout droit du Yorkshire avec sa copine Solen qui lui avait offert un couteau magnifique.

Mais contrairement à ce que la légende nous a fait croire, Bernard n'était pas du tout un ermite errant!



J'ai beaucoup ri. Avec vous on ne s'ennuie jamais! Très bonne soirée Sable